Forum en lien avec le jeu Nacridan
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C'était un jour comme les autres pour le petit groupe de chasseurs. Ils avaient achevé de la chauve-souris, ravagé du rat, crevé du crapaud, et le retour en ville s'annonçait lucratif, au vu de tous les trophées qui gonflaient leurs gibecières. Hélas, le destin est parfois farceur avec les aventuriers,
Okram fut le premier à repérer les signes annonciateurs de la catastrophe.
- C'est moi ou cette demoiselle elfe a l'air d'avoir des ennuis? lança-t-il soudain, au milieu du repas du soir.
Le dorane ne se trompait pas. La chevelure étrangement défaite pour une représentante du Beau Peuple, une potion de soin aux lèvres, l'elfe du nom d'Arya qui courait vers eux était en effet dans les ennuis jusqu'au cou. Et il ne fallut pas longtemps à nos amis pour en comprendre la cause,
Comme si Arya avait amené une tempête avec elle, les arbres se mirent à frémir, la terre à trembler. Des grondements sourds retentirent, accompagnés de claquements secs et vaguement funèbres. Émergeant de derrière une colline, une monstrueuse fourmi géante arrivait au grand galop de ses six interminables jambes bardées d'épines,
Felgar s'étrangla sur sa gorgée de vin. Laissant tomber l'outre à terre, il crachota un juron incompréhensible. Son teint semblait hésiter entre le rouge sanguin et le blanc cadavérique.
- Boudiou de boudiou, rugit Throd le nain. Qu'est-ce c'est-y ce bestiau?
- Je dirais que c'est une fourmi guerrière géante, répondit la belle Asturia qui n'était pas de nature à se laisser impressionner par si peu. Très inhabituel pour la région.
- Qu'est-ce qu'on fait, qu'est-ce qu'on fait? bredouillait l'humain dont le teint s'était décidé pour un vert maladif.
- Il faut l'attaquer!, cria le nain.
- Il faut se barrer!, répliqua Felgar.
- Il faut lui parler, dit Okram dont le caractère conciliant brisait parfois les pieds de ses compagnons.
- Il faut se décider, dit Asturia d'une voix neutre. Parce qu'elle vient vers nous.
Dernière modification par Felgar (2013-11-26 10:59:32)
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Se passant furieusement la main dans la barbe, Throd contemplait le triste spectacle de ses compagnons avec de moins en moins de patience. Entre les deux magos qui passaient leur journée à agiter les doigts dans le vide et le pov' Felgar qui roulait toujours sous la table après la troisième bière, ils avaient vraiment besoin d'un nain pour leur montrer le droit chemin, celui avec du poil.
- OK, les ch'tits, c'est l'moment d'ouvrir les escourdes, et de les ouvrir grand. Vous voyiez les traces de rouge partout sur la carapace de la bestiole? Vous croyez que c'est du camouflage? C'est le sang de ses victimes, peut-être même du sang de nain. La bête est une tueuse, et elle est à pas cent coudées des murs de notre belle Earok. Vous voulez être les minables qui ont laissé déferler ça sur vos familles, ou vous voulez rentrer à la maison en homme? Euh, Asturia, toi je suppose que tu peux rentrer en femme s'tu veux...
Agrippant le bras de Felgar, le nain le remit sur ses jambes flageolantes.
- Allez, tu vas contacter les crétins d'aventuriers qui trainent dans le coin, et tu vas leur dire de faire quelque chose d'utile pour une fois.
- Pourquoi moi? bredouilla Felgar.
- C'est pas toi l'chef de groupe?
- ...On avait pas dit qu'on était une démocratie?
- Assez de simagrées, grande chochotte, gronda Throd d'une voix sans réplique.
Dernière modification par Throd le massif (2013-11-26 21:30:49)
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Déjà résigné, Felgar jeta un regard en direction de leurs deux compagnons. Asturia et Okram eurent le même soulèvement d'épaules fataliste. Ils ne connaissaient pas Throd depuis aussi longtemps que lui, mais ils savaient tous deux reconnaître les signes: le nain était lancé. Essayer de l'arrêter dans cet état là, c'était comme essayer d'arrêter une avalanche avec un éventail en soie, d'une façon ou d'une autre ça finirait mal. A l'évidence, une bataille était décidée.
Première chose à faire, se dit le guerrier, réunir des compagnons. A plusieurs ils auraient peut-être un début de chance de victoire. Et puis, plus de monde voulait dire moins de mandales possibles pour lui, ajouta-t-il en son for vraiment intérieur.
Heureusement la plaine était couverte de camps d'aventuriers, tous figés par la même terreur toute en pattes et carapace que nos malencontreux héros. Ce ne fut pas dur d'organiser une réunion à la lueur des flambeaux pour discuter du problème.
Pas franchement assuré, Felgar s'avança tout de même:
- Compères, nous savons tous pourquoi nous sommes ici. Une créature d'une puissance jusqu'ici inconnue de chacun de nous s'est invitée en notre sein. Il serait bien sûr tentant de partir se réfugier dans Earok ou dans ce petit bourg que j'aperçois au loin, avec son temple protecteur, son joli joli temple... hmmm. Mais notre cité est en danger et nous sommes la dernière ligne de défense... apparemment.
Là, un regard de fureur glacée du nain lui coupa brutalement la parole et il dut s'interrompre une pleine seconde.
- Bref, reprit-il, avant de penser à fuir considérez ceci: un jour sur vos lits de mort, bien des années auront passé et peut-être regretterez-vous de ne pouvoir échanger toute vos tristes vies épargnées ce jour pour une chance, juste une petite chance de pouvoir revenir ici et de tuer cette engeance infernale, car elle peut nous ôter la vie, mais elle ne nous ôtera jamais notre libertééééé!
Felgar recula d'un pas, pour juger de l'effet sur son auditoire. C'était mitigé, la peur restant le sentiment dominant.
- Joli discours, lui murmura Asturia à l'oreille.
- Oh, c'est pas de moi. Je l'ai piqué à un barde.
- Ah. Tant que c'est efficace...
Un à un, ils s'en allèrent, ceux qui ne voulaient pas combattre. Arya, qui avait amené la bête, partit soigner ses plaies au temple, invoquant son extrême faiblesse. Yesod, qui était pourtant mort sous ses coups, fuit sans mot dire. Le nain chevalierdelamort, faisant mentir son nom, vola la proie que se réservait le groupe et fuit lui aussi vers le Sud.
Restaient deux humains, Arty et Frank, et un nain, Kastor. Les vaillants se comptèrent: ils étaient sept. Ils se donnèrent rendez-vous à l'aube pour livrer bataille.
Dernière modification par Felgar (2013-11-26 23:01:27)
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Le soleil se levait sur le vallon formé de deux petites collines boisées. Dissimulé derrière un buisson de ronces, Felgar sentit malgré lui son coeur se remplir d'appréhension. C'est à lui qu'avait échue la responsabilité d'établir un plan de bataille, et le moment était venu de savoir s'il avait le moindre talent dans le domaine.
Soudain, des cris sauvages. Il sursauta. L'opération était commencée.
Déboulant au fond du vallon, Arty apparut, hurlant et courant comme si toutes les hordes de l'enfer étaient à ses trousses. Une masse brune et cliquetante le suivait. Le rattrapait même. Personne ne s'était attendu à ce que la lourde créature soit si rapide. Arty n'était pas arrivé au bout du vallon qu'elle lui asséna un coup de mandibule dans le dos qui l'envoya bouler sur plusieurs mètres.
Un peu plus, elle le coupait en deux, se dit Felgar dont la bravoure descendait déjà en flèche. Mais il en trouva quand même assez pour se relever et crier:
- Maintenant!
Et les aventuriers cachés sur les deux flancs de colline sortirent de leur cachette. Okram était déjà aux côtés d'Arty, dont les blessures se refermaient sous l'effet de sa magie.
La fourmi géante s'arrêta net, claquant des mandibules dans le vide, frappant le sol d'une patte nerveuse. Si elle avait eu des paupières, elle aurait cligné des yeux de confusion. Elle n'était clairement pas habituée à voir des proies se comporter comme ça, dressées devant elle plutôt que fuyant à toutes jambes. Comprenait-elle qu'elle était prise au piège?
Le premier assaut fut rapide et violent, peut-être pour compenser la peur qu'elle leur inspirait à tous. Arty, remis sur pieds, Frank et Kastor attaquèrent de tous côtés, la fourmi ne sachant plus par où se défendre. Les épées crissaient sur sa carapace épaisse, sa grande carcasse tremblait, mais aucun coup ne semblait vraiment l'atteindre.
Juste quand les guerriers commençaient à craindre que leur adversaire ne fut invincible, ils remarquèrent que la fourmi n'avançait plus aussi facilement, titubant légèrement sur ses grandes pattes.
- Parfait, elle est sonnée, s'exclama Felgar. Maintenant il nous faut quelqu'un pour en profiter en lui portant un coup dans le défaut de la cuirasse. Quelqu'un doté d'une grande dextérité, assez habile pour s'approcher au plus près... pourquoi vous me regardez comme ça? Non, moi je supervise moi, je peux pas faire deux chose à la fois!
- Tut, tut, tut, dit Throd, faut pas te sous-estimer comme ça. Allez Asturia, donnes'y un coup de main.
Aussitôt, Asturia lança ses ailes de colère. La main du nain dans son dos et le sort de l'elfe enveloppant son bras, Felgar se retrouva devant la bête.
- Je me sens pas très bien, réussit-il à déglutir.
- Ça s'appelle du courage, dit Throd. Nous les nains on se sent comme ça tout le temps, et on en meurt pas. Enfin pas trop.
Et il le poussa sur l'ennemi.
Voyant la petite créature s'avancer maladroitement vers elle, la fourmi attaqua immédiatement, mais ses mandibules se refermèrent sur de l'air. Plongeant juste à temps, Felgar était parvenu à rouler sous son gros corps. Mû par l'instinct, ou par le sortilège d'Asturia, il frappa. Le coup d'estoc, placé pile entre le torse et l'abdomen, là où la chitine protectrice de la fourmi était la plus faible, pénétra profondément dans la chair.
Un liquide visqueux et vaguement transparent éclaboussa le visage de Felgar.
- Dégage de là, grand couillon! entendit-il au milieu du brouillard qui lui nimbait l'esprit.
Se roulant à nouveau à terre, Felgar s'échappa de sous la fourmi juste avant d'être écrasé par ses spasmes de douleur. Throd profita de la détresse de l'animal pour mettre un coup de marteau retentissant au milieu de son crâne triangulaire.
La peur avait changé de camp. Blessée, paniquée, la fourmi cherchait à présent à fuir. Elle se rua sur Arty, qui bloquait toujours la sortie du vallon et le percuta de toutes ses forces restantes.
Mais la formation tint bon. Les sorts du guérisseur et les potions de vie permirent à nouveau de ramener Arty du seuil de la mort.
Se recroquevillant sur elle-même, la fourmi, qui n'allait nulle part, claqua furieusement des mandibules, par défi. Les aventuriers s'accordèrent un répit bien mérité. Le premier round était terminé, et ils en étaient sortis vainqueurs.
Dernière modification par Felgar (2013-11-28 15:08:46)
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Lorsque la fourmi s'effondra enfin, les aventuriers se laissèrent à leur tour tomber au sol. Bien que l'issue n'ait pas fait beaucoup de doutes, elle s'était débattue dans leur filet comme une diablesse, résistant à leurs efforts de l'aube jusqu'au crépuscule.
Contemplant la carcasse immobile, ils s'attendaient presque à la voir se relever comme toutes les fois précédentes, blessée mais non brisée. A mesure que le temps passait, il fallait se rendre à l'évidence: le dernier coup d'Arty avait bien pris sa vie. Avait-elle attendu pour mourir de la main de celui qu'elle avait choisi comme adversaire?
Felgar, couvert de boue et de ce qui servait de sang à la bête, leva une main rendue tremblante par la fatigue.
- Bien joué tout le monde. Je déclare notre groupe de chasse dissous.
- Ouaip, beau geste mon gars, dit Throd en frappant le dos d'Arty. Tu devrais te laisser pousser la barbe, tu la mérites.
Le nain, toujours vaillant, agrippa les épaules de son confrère Kastor.
- C'est pas tout ça, mais l'est temps d'aller chercher notre bière.
- Notre bière?
- Bin oui, c'est comme ça que ça marche. On va aller raconter not'quête dans les villages des alentours, et quand le truc aura bien pris, les péquenauds se bousculeront pour nous payer la tournée pour qu'on raconte. Le mieux ce serait d'en faire faire une chanson à boire. Tu connais Krak le nain? Il a juste fait une chanson de quand il est rentré bourré chez sa naine, et depuis il se pinte à l’œil dans toutes les tavernes où il passe. Voyons comment ça ferait? 'Avec son beau marteau, Throd n'était pas bien haut'... non c'est pas terrible. 'Avec son beau marteau, Throd était si costaud'... non, ça va pas. Hé, quelqu'un s'y connaît en poésie?
Les autres regardèrent s'éloigner les deux nains dans un silence consterné.
- Dis Asturia, dit Felgar d'une voix morne. En vérité, on se serait pas fait manipuler par un gros abruti?
- La vérité, comme la manipulation, est dans l’œil de celui qui la contemple, répondit-elle avec cette manie elfique de se la jouer sibyllin quand la situation devenait gênante.
Soupirant lourdement, Felgar déclara:
- Tu m'aurais dit qu'aventurier, c'était rentrer tout éreinté, vêtements boueux, sentant la mort, je me serais fait éleveur de porcs.
Ce qui, comme chacun sait, devint le refrain de la célèbre chanson à boire 'La Bataille de la Fourmi'.
Dernière modification par Felgar (2013-11-28 16:40:39)
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