Forum en lien avec le jeu Nacridan
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*** Plus ou moins le Cinquième Jour de la décade de la Chouette Commerçante, datation d'Earok, dans un lieu inconnu ***
Paul Patine, au civil le Très Juste et Honorable Président du Conseil des Vingt de Tonak, n'était vraiment pas un président du conseil heureux.
D'abord, une migraine persistante lui martelait le crâne. Ensuite, ses mains et ses pieds étaient étroitement liés par une forte corde, et enfin, à son grand déplaisir, il se trouvait dans une petite pièce plutôt malodorante avec deux personnages qui ne lui disaient rien du tout ; ce fourbe de régent d'Artasse et cette sournoise de première magistrate d'Earok, tous deux tyrans d'un genre peu fréquentable pour un digne républicain qui ne devait son élection au pouvoir suprême qu'à un peu d'honnête prévarication et népotisme.En plus leur présence avec lui, pareillement attachés au mur, les exonéraient de toute participation à son enlèvement - "probablement", ajouta néanmoins par devers lui le vieux politicien.
Cela étant, si ce n'étaient ni les fourbes d'Artasse ni les sournois d'Earok, c'était donc qu'il fallait chercher les coupables du côté de l'opposition : d'abord, des gens qui professaient une politique pareille étaient capable de tout, même de s'allier avec Artasse, et ensuite, après tout, qui d'autre pouvait savoir que le dirigeant tant aimé de Tonak la vertueuse aimait à se distraire des lourdes charges du pouvoir à la Plume d'oie, maison d'affection négociable et de bonne compagnie cis voie des Demoiselles ?
Paul passa ainsi un temps assez agréable à envisager les nombreuses tortures qu'il ferait subir à ses ennemis politiques. Il était en train de songer à une obstruction assez vicieuse quand la porte du cachot s'ouvrit brutalement pour laisser entrer un hommes-lézard et deux brutes humaines de forte carrure qui prirent position à l'intérieur. Paul Patine étudia rapidement le plus grand d'entre eux. Vêtu d'un haubert uniformément noir par dessus une cotte de maille bien entretenue, comme ses compagnons, le lézard était impressionnant, en dépit d'une étonnante moustache blonde, manifestement postiche, et d'une balafre impressionnante qui ravageait son mufle écailleux. Voyant que le politicien l'observait, la créature lui adressa un clin d’œil et un sourire sibyllin. Il n'avait pas de très bonnes dents.
Aucun des trois ne portait d'arme. Mais un simple regard à la taille des crocs de la créature et aux avants-bras comme des jambons des humains suffisait à se convaincre que toute résistance était futile.
- Par tous les dieux et leurs enfers !! rugit une voix féminine, Etes-vous envoyés par Balthazar, ce fils de chienne ? Vous pouvez lui dire de ma part qu'il peut aller se faire *censuré, censuré* par des porcs ! Savez-vous au moins qui je suis, stupides !? Je suis Mélodie du Blanc-Mesnil, Première Magistrate de la cité d'Earok, et vous serez bientôt *censuré* par des trolls avant de vous *censuré*... !
Tandis qu'un de ses sous-fifres se dépêchait de remettre son bâillon à la femme, non sans mal car elle se débâtait avec violence en dépit des chaînes, le chef se tourna vers le maître tout puissant de la cité d'Artasse. Immobile, silencieux, ces yeux clignant lentement, ce dernier ressemblait de manière frappante à un lézard à face humaine. Il fit "hum" au bout d'une interminable minute, et ce fut tout. Paul Patine se demanda si la réputation d'intelligence sournoise d'Artasse n'était pas en fait de la stupidité. Ou alors faisaient-ils semblant d'être stupides, alors qu'en fait ils étaient intelligents ? Quelle bande de sournois, décidément...
- ... et des chaussures en peau avec votre peau, bande d'ordumffmfmfff..., miaula quelque part la dirigeante d'Earok, vaincue par les efforts des deux sbires de l'homme-lézard.
Celui-ci se tourna finalement vers Paul Patine.
- Si vous n'êtes envoyé par aucun de nos opposants, c'est donc que vous êtes au service de Djin ou de l'Izandar ? demanda ce-dernier.
L'homme-lézard ouvrit la gueule. La cellule retint son souffle.
- Hommes... !
- MMff
- Hommes et femme de Nacridan, apprenez-que vous êtes entre les griffes du capitaine Kirol ! MOuhahahaha.Silence.
- Enfin, du coup, ça, c'est moi, précisa l'homme-lézard. Ensuite, apprenez que je représente des ... intérêts qui en ont a vous voir... disparaître.
- Et pourquoi ces "trois petits points" intérêts désirent-ils cela ? s'étonna l'homme d'Artasse.
- Oh, ben, conquérir le monde, s'en mettre plein les fouilles, collectionner toutes les cartes pokémons, qu'est-ce que j'en sais ? Est-ce que c'est important tant qu'on me paye et que vous êtes assis là ? C'est business as usual, comme on disait à l'école, répliqua l'homme-lézard.
- Enfin, pouvez-vous au moins nous dire le nom de cette organisation ?
- Si fait. Ce sont les......... Templiers du Chaos ! (Les trois malandrins éclatent d'un rire rauque et maléfique visiblement travaillé à l'avance)Silence.
- Non.. mais allez, sérieusement, vous êtes qui ?
Anraud
Arnulf et Jandar
Un sur trois est un gentil. C'est déjà ça.
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***Fort-Liberté, siège du gouvernement de Tonak, le même jour, quelques heures auparavant***
- ... Et donc, si nous revenvendications pécuniaires ne sont pas répondues sous un jour favorable, nous nous vairons obligés, à notre grand regret, de prendre à l'encontre du susnormmé pol patine, votre dirigeant, des messures qui croyer le-bien, nous raipugnent très peu d'avance merci. signé : les "templiers du chaos".
Le Vice-Président de la Chambre du Peuple acheva sa lecture dans un silence catastrophé.
- Barbe de Makero, jura le Chancelier des Dames, qu'est-ce que cela signifie ?
- Que si l'auteur de cette missive veut se faire passer pour un illettré, c'est plutôt très bien imité.Tumulte dans la salle. Qui était absolument comble. Dès que la découverte sur un tas d'ordure des cadavres décapités, mutilés, voire légèrement mâchouillés de plusieurs des membres les plus vicieux de la garde rouge présidentielle -et la disparition du personnage lui-même- avait été signalée à l'Autorité, en l'occurrence le Vice-Président, de strictes consignes de silence avait été données, le temps de faire la lumière sur l'affaire et de recueillir de plus amples informations.
Moyennant quoi, dans la demi-heure, tout ce que la ville comptait d'individus au-dessus du rang d'attaché parlementaire était au courant et tambourinait à la porte de la Chambre, exigeant, réclamant, menaçant, voire demandant poliment, de pouvoir participer à la confusion ambiante.
Cédant devant la pression, et avisant avec inquiétude que certains députés du parti majoritaire parmi les plus remontés semblaient tout disposés à enfoncer les portes de sa demeure, le vice-président avait spontanément décidé de convoquer une réunion d'urgence en petit comité, en salle Pistache.
Moyennant quoi les hommes les plus puissants et les plus imposants de la première ville de Nacridan se trouvaient là en face de lui dans divers état d'affolement et d'énervement, généralement en même temps. Il y avait pèle-mêle et entre autre tous le Conseil des Vingt, le Directeur de la Banque Centrale, le Premier Ploutocrate de la Confédération des Marchands de Laitue, le Premier Président de la Cour des Bons Amis (lesquels faisaient les bons comptes de l'Etat), troisième personnage de la République, le Président de l'Université de Sciences Politique de Tonak, Danator le Bon, Archimage résident, le Surintendant du Guet et plusieurs de ces adjoints, plusieurs prêtres de haut rang, une dizaine de députés de la majorité dont la dispute feutrée et venimeuse avec autant de députés de l'opposition participait délicieusement au vacarme ambiant, et un nombre indéfini mais important de directeurs de services, prévenus par Dieux sait quel moyen mystérieux et occultes propre aux fonctions publiques du multivers.
L'un dans l'autre, tout ce beau monde formait la crème de l'élite de la cité, le fleuron de l'intelligence et du pouvoir, des hommes qui n'avaient jamais eu du mal à nouer une cravate le matin.
Ainsi que tout ensemble d'hommes civilisés placés devant une crise d'ampleur, ils tâchaient avant tout de répondre à l'urgence prioritaire qui précède la résolution du fiasco, c'est-à-dire la désignation d'un bouc émissaire à jeter aux journalistes pour couvrir leur fuite. Le Vice-Président se sentait une désagréable odeur de chèvre depuis quelques minutes, et regrettait de ne pas avoir la présence d'esprit de passer quelque chose par dessus sa robe de chambre.
- Ainsi donc nous n'avons aucune idée de ce qui a bien pu se passer ? fini par clamer l'Archimage Résident. Il est incroyable qu'on puisse enlever ainsi le premier magistrat de la ville ! Allons donc tous nous faire tuer dans nos lits par des assassins à la solde d'Artasse ?!
- S'il vous plaît, messieurs du calme ! répliqua le Vice-Président, qui entendait déjà claquer les mâchoires des crocodiles. La situation est encore un peu confuse, mais Monsieur le Surintendant du Guet, a qui la sécurité des biens et personnes de la Ville incombe avant tous, va se faire un devoir de vous exposer la situation.Les regards se concentrèrent sur le Surintendant, ce qui était d'autant plus facile que c'était un nain. Les crocodiles en firent, métaphoriquement, autant.
- Messieurs ! S'il vous plaît ! Voici ce que nous savons : il y a de cela quelques heures, une patrouille de routine du guet, dirigée par le sergent Jacques Jobart, un homme des plus fiables, a découvert sous une bâche dans la ruelle dite "des Crustacés Malades", quartier de la Petite-Tourterie, trois macchabées fort dégradés d'apparence, et manifestement plutôt frais. Routine dans une ville à la vie intense comme l'est Tonak, vous en conviendrez, Messieurs, n'eu été l'uniforme encore reconnaissable de garde du palais qu'ils revêtaient encore. Le sergent a immédiatement prévenu son supérieur hiérarchique direct, le lieutenant de police de permanence, M. Mufle, qui s'est informé de la situation avant de conférer avec le capitaine de service dès le réveil de celui-ci. Puis j'ai moi-même prévenu M. le Vice-Président après qu'il soit apparu que M. le Président Patine n'était pas au Palais des Dames et n'avait pas été vu non plus de la soirée à... hum... - le Surintendant fit une pause gênée- la maison où il était attendu ce soir. Hum. Nous avons de fortes présomptions selon lesquelles M. le Président Patine aurait été soustrait à l'amour de son peuple bien-aimé, soit assassiné, soit retenu en otage dans une lieu encore inconnu. M. le Vice-Président de la Chambre, qui est désormais responsable de tout ce qui concerne le devenir de notre belle cité en ces temps dramatiques, a accepté dès son réveil de se rendre à mes conclusions et des mesures d'urgences ont immédiatement été prises.
- Et en quoi consistent-elles, enfin ? s'exclama-t-on
- Pour ne pas éveiller l'inquiétude de la population, répondit posément le Vice-Président, le couvre-feu a été aussitôt déclaré et plusieurs escouades du guet sont actuellement en train de chercher M. le Président, en toute discrétion, dans l'enceinte de la cité, procédure qui nécessite de brandir des torches et de fracasser quelques portes dans le quartier pauvre, ai-je ainsi cru comprendre. Par ailleurs, j'ai pris la liberté de m'assurer de la personne de M. le Chef de l'Opposition, qui est actuellement soumis à la Question ordinaire et extraordinaire dans les basses-fosses de la prison municipale, de sorte d'écarter au plus vite les soupçons j'en suis convaincus infondés qui pèsent sur lui.
Les individus présents acquiescèrent gravement - c'était là l'évidence même. La conférence reprit après quelques minutes d'interruption due à l'expulsion de quelques députés d'opposition de mauvaise foi.
- Je suis certain que les regrettables suspicions qui pèsent sur les éléments contre-républicains, je veux dire, nos honorables collègues parlementaires, seront bientôt éclaircis... oui, M. le Premier Président ?
- Oui, voilà, qu'allons-nous faire au sujet des perfides envahisseurs qui ont souillé la souveraineté nationale de la République une et indivisible ? Nos troupes doivent faire mouvement vers Djinn (murmure approbateur) et faire valoir notre bon droit en saccageant cette ville impie (applaudissements enthousiastes) et contre-révolutionnaire ! M. le Vice-Président.
- Quelqu'un a-t-il déjà lâché les journalistes dans la salle ? Non ? Ah... oui, eh bien, évidemment, en réalité, voyez-vous, cette missive dont je vous ai fait la lecture tantôt et retrouvée sur le cadavre d'un des gardes présidentiel tend à exonérer Djinn de l'enlèvement de notre bien-aimé Président. Il faudrait plutôt incriminer cette organisation, là, les "Templiers du Chaos".Silence.
- Oui, bon, d'accord, soit, mais est-ce qu'on peut saccager Artasse au moins, alors (applaudissements enthousiastes) ?
Anraud
Arnulf et Jandar
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***Palais des Flammes, balcon des Basilois, Artasse, deux jours après l'enlèvement du Consul Jean Gagnon***
Au pied du Palais impérial des Mille Flammes, orgueil d'Artasse l’Éternelle, s'étend la Grand'Place des Légions, quadrilatère vaste assez pour accueillir l'ensemble des Légions de Fer, sous le regard altier des Quinze Rois de la Mer, couronnés de fer et de bronze, et des Vingt-Trois Empereurs du Sel et de la Terre, portant l'or et l'argent impérial, dont les statues de marbre bordent la Place, témoins muets de la grandeur éternelle de la Première cité des Hommes. Cents bannières écarlates claquaient au vent, et cent mille hommes en arme hurlaient le nom du Roi des Hommes avant de soumettre le reste du monde par le fer et le feu.
Evidemment, trois fois cents années se sont écoulées depuis la Chute d'Artasse. De nos jours, les statues arrogantes gisent au sol, décapitées par les barbares cupides d'Earok, les portes d'airain du Palais ont été abattues volées par les chiens sans honneur de Tonak l'Indigne, et entre les pavés disjoints de la place pousse ignorée l'herbe sauvage, que nulle botte cloutée n’écrase plus d'un pas martial.
Dans l'ancienne enceinte des remparts de la cité, on serait aujourd'hui bien en peine de trouver autant d'habitants que son armée comptait d'hommes au temps de sa grandeur, et les dirigeants d'Artasse règnent désormais par l'or et le poison, quand leurs empereurs faisaient trembler la terre et le ciel rien qu'en tirant l'épée. Pourtant, la crainte que les autres citées de l'île éprouve encore envers l'ancienne citée guerrière est intacte.
La disparition simultanée des dirigeants d'Earok, de Tonak et d'Artasse avait été rapidement prouvée, par des canaux officiels, et confirmée par d'autres, disons, de seconde main, c'est-à-dire par les espions. Chacune des grandes citées avait donc rappelé non sans soulagement ses forces militaires, juste à temps, dans le cas d'Earok et de Tonak, pour raccompagner poliment mais fermement aux frontières tacites de leurs royaumes respectifs des hommes d'armes envoyées par Djinn et Dust "non, mais juste pour vous aider, hein". Artasse quand à elle avait reçu un "non" clair et massif de la part de l'ensemble des représentants des citées quand elle avait proposée de mettre sur pied une Légion "mais juste une petite, allez".
De toute façon, Tonak et Earok ne disposent pas de forces armées digne de ce nom. Au plus pouvaient-elle compter sur leur guet respectif, des vétérans expérimentés de la Guerre des Démons, mais en petit nombre, et qui, la guerre des Démons ayant eu lieu vingt ans auparavant, commençaient pour certains à être plus vénérables que vétérans. Avec ça, une milice citoyenne, nombreuse certes, mais inexpérimentée. Bien entendu, lorsqu'on devait en arriver à la guerre, les seigneurs de Nacridan savaient où se tourner pour trouver des guerriers en abondance : partout où la misère (ou l'inconscience) poussait un jeune homme à partir sur les routes avec pour tout bagage l'épée rouillée de son grand-père.
Pour les autorités temporaires, il fallait quand même agir : les journalistes de toute l'île étaient sur les dents, et prenaient grand soin d'apaiser l'opinion publique en lui expliquant, sur quatre colonnes à la une, pourquoi il n'y avait vraiment absolument aucune raison de paniquer et de craindre, par exemple, que des assassin invisibles mutants payés par des Puissances Etrangères viennent les assassiner dans leur lit - "je n'ai jamais dit ça", déclara le surintendant de Tonak. Plusieurs émeutes de faible ampleur avaient eu lieu dans divers quartiers, on avait entendu des prophètes aux yeux fous et à la barbe grise et sale aller et venir dans les rues en prédisant la fin du monde à courte échéance, et des rumeurs horrifiques parlaient de veaux à deux têtes, de filles-mères que nul n'avait défloré, et de serpents à quatre pieds, qui marchaient debout et parlaient comme des hommes. Dans l'ensemble la vie se poursuivait normalement, donc.
Le conseil des régents d'Artasse fit donc la proposition suivante aux autres citées que l'on peut résumer comme suit :
1) Qu'en dépit de l'urgence, une réaction hâtive n'est point la meilleure ;
2) La disparition simultanée de trois dirigeants de villes ayant de forts contentieux historiques signale une organisation puissante et bien informée, avec un plan
3) Si nous nous lançons dans une guerre - avec quels hommes ? -, qui donc en profitera ? Certainement pas nous.D'où les conclusions suivantes : si les villes manquent d'hommes, nous ne manquons pas d'or. A l'inverse, les guildes d'aventuriers, spadassins et autres gens de sac et de corde, ont abondance d'hommes mais manquent d'or. Si tu vois c'que j'veux dire...
Il fut donc décidé que les aventuriers, héros et autres trucs de Nacridan seraient convoqués pour chasser les malandrins, contre force pièces d'or.
- Oui-da, mais pensez bien à ne payer qu'après livraison des gouverneurs, précisa l'archonte d'Artasse. Cela coûtera moins cher.
Anraud
Arnulf et Jandar
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***Cache des Méchants, Neuvième jour de la décade de la Chouette Commerçante, datation d'Earok, lieu inconnu mais probablement dans les environs de Verprès***
Les cris réveillèrent Paul.
Attachés comme ils étaient, il n'avaient pas grand chose d'autre à faire que dormir. Combien de jours s'étaient-ils écoulés depuis l'attaque dans la ruelle sombre ? Paul se souvenait d'avoir vu tomber ses hommes en quelques instants, des bras puissants se refermer sur lui, un choc brutal contre son crâne, et puis, aussitôt le cachot puant.
Leurs geôliers ne parlaient guère. Il y avait des humains et des elfes parmi eux, mais guère plus loquaces que les gobelins qui semblaient grouiller partout. Tous, hommes comme peaux-vertes, portaient le noir uni de l'organisation. Patine commençait à craindre que Tonak l'ai simplement passé par perte et profits. Wilfried, le vice-président de la chambre, était un ami de trente ans, son bras droit le plus ferme, et, pensait-il secrètement, un sacré imbécile, mais... en politique, on ne savait jamais, n'est-ce pas ? Lui-même n'avait pas exactement pris le pouvoir sans casser quelques oeufs...
Le troisième jour de captivité, Blanc-Mesnil, profitant de ce qu'on lui avait délié les bras pour lui permettre de manger un mauvais quignon de pain noir, avait tenté d'assommer le gobelin malpropre qui leur tenait lieu de geôlier.
Elle en avait été pour ses frais : vigilantes, deux énormes brutes s'étaient jetées sur elle et n'avaient pas lésiné sur les coups. Quelques heures plus tard, l'homme-lézard prénommé Koril, prévenu, avait été clair : toute violence serait immédiatement rendue au centuple. Blanc-Mesnil avait été emmenée hors du cachot par les sbires de la créature. Aucun mot d'elle ni de son sort ne leur était parvenu depuis...
... Les cris... les cris résonnaient de plus en plus fort maintenant - certains semblaient humains. Ils étaient minoritaires. Le vieux politicien tendit fébrilement l'oreille. Était-ce le tintement de l'acier qu'il entendait ? Les cris semblaient venir vers eux. Quelqu'un passa en courant dans le couloir.
Un cor de guerre mugit quelque part dehors.
AAAAAAAAAAAAAAAoooooo.Un hurlement lui répondit aussitôt. Il n'avait certes rien d'humain. Il y eu encore des bruits de botte à l'extérieur du cachot. La porte s'ouvrit brutalement.
Kirol et d'autres hommes-lézards massifs entrèrent dans la pièce. Avant d'avoir eu le temps de s'expliquer, Paul Patine se trouva pris dans la poigne de deux colosses écailleux et brutalement arraché au sol. Les hommes-lézards chargèrent vers l'extérieur, sans prendre le temps de s'arrêter, Kirol en tête. Du coin de l’œil, Patine avisa plusieurs silhouettes sombres gisant sur le sol, au milieu de flaques plus sombres encore. Une bonne partie des torches étaient éteintes, comme soufflées par une course furieuse.
La petite troupe déboucha à l'air libre. Il faisait nuit noire, et des gobelins allaient et venait partout. Plusieurs d'entre eux s'affairaient à trainer des corps sur le sol.
Il y eu un instant de flottement dans les rangs des lézards. Patine put reconnaître brièvement qu'ils venaient de sortir d'un bâtiment à moitié en ruine, et au loin, brillaient des lumières : une ville, un village peut-être ? Il faisait vraiment sombre.Un lézard vêtu d'une cotte d'écaille arriva au rapport devant Kirol, qui le dominait d'une bonne tête. Il tenait un énorme marteau de guerre, manifestement maculé de sang frais. Patine tendait l'oreille.
- Alors, Ssstarskay ? interrogea âprement Kirol.
- Huit, bossss, des Artassiens sous leur masque de boue, répondit l'autre, sa langue bifide ponctuant vivement ses sifflements. Sssepts qui sssont morts, maint'nant, contre trois gob'ss à nousss et Ssesra qu'est blesssée. Ss'attendaient pas à tomber sur...Lui, bosss, ssa non ! Sssa leur a fait un choc comme qui dirait ! Ilss se sont tirés la queue entre les jambes juste pour tomber dans nos bras - on a eu qu'a les masssacrer sur place.
- Et le huitième ?
- Rien qu'un jeunot, bosss, fragile comme toutes les peaux-roses, vous en faites pass pour lui. Ils l'avaient laissé loin, avec leurs montures - il a prisss la fuite dès qu'il a vu ce qui est arrivé à sess copains. Mais vous en faites pas : ... Il est parti à sa pourssuite, ssa ne sera pas long.
-Hmmm... Kirol ress... resta, pardon, pensif un moment, puis fit claquer ses griffes l'une contre l'autre. Trop dangereux de resster ici, c'est. Si eux nous ont trouvé, d'autres le peuvent aussi. Rassemble les gars : on part dans l'heure vers les Montagnes.
- O.K., bosss. Ssstarskay hésita un instant. Et pour...
- Il saura bien nous retrouver qu'on le veuille ou pas, de toute fassson. Allez, va...
Anraud
Arnulf et Jandar
Un sur trois est un gentil. C'est déjà ça.
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