Forum en lien avec le jeu Nacridan
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« Bah, tu fais construire un "palais", tu peux bien m'payer encore une quinte, non?? »
c'était déjà la troisième que Jormr s’enfilait aux frais d'Okhraal -pour saluer l’événement, comme il disait-. Autour de la table, tous buvaient, quoique à un rythme moins soutenu. Ils étaient quatre ce soir là : Okhraal, le front plissé par les soucis administratifs, Jormr, avec son habituel sourire en coin et sa courte barbe pleine de mousse, Varell, le vieil humain ami d'Okhraal et enfin l'ancien camarade d'études de ce dernier, Ghudribar le brasseur.
Tarlnaïk était lui aussi venu avec un sac d'or des caisses de Marché-Aux-Ducs pour contribuer aux premiers investissements du Clan à Vieille Tour, mais il ne s'était pas joint à eux ce soir.
Dommage, pensa Okhraal, car Ghudribar leur avait offert quelques quintes d'un cru incroyable, à faire pâlir Adah elle-même.
Sans tenir compte de l’interruption importune de Jormr, le guerrier continua :
«…exécrables ces représentants de la guilde des marchands, c'est à se demander s'ils n'ont pas de l'or fondu en guise de cervelle ! On croirait entendre sonner des pièces à chaque fois qu'il ouvrent la bouche… Sang de pierre ! Et c'est qu'ils ne la ferment guère !
M'enfin, après deux heures de palabres, de menaces ou de démonstrations, et surtout après une bourse bien remplie remise au plus agressif des marchands (en signe de « bonne volonté »), ils ont fini par admettre qu'il serait idiot de leur part de s'opposer plus longtemps à notre installation.
À dire vrai, je pense que l'énorme hobgobelin qui traîne sous les murailles les a aussi fait réfléchir : ils ont déjà du faire faire demi-tour à une caravane avant-hier. »
« PaRRdi ! C'est qu'y RR'chignent toujouRRs à voiRR leuRR commeRRce taxé ceux là! Le temps depuis les gueRRRes démoniaques a été une soRRte de RRêve doRRé pouRR eux : avec tant d'pat'lins livRRés à eux mêmes et tant d'choses à RReconstRRuiRRe, ils ont pu tRRanquillement fixer les pRRix qu'y voulaient sans RRendRRe de comptes à qui qu'ce soit ! Maint'nant qu'ces salopeRRies de monstRRes RReviennent, m'est avis qu'y's'ont du mal à s'RRéveiller ! »
Le vieil humain jeta un coup d'oeil au brasseur et répondit :
« Quoi qu'il en soit ils étaient les derniers à convaincre. Les travaux financés par le Clan devraient pouvoir avancer plus vite, désormais. Enfin nous aurons à nouveau un mur d'enceinte digne de ce nom ! »
« Eh eh, fit Jormr, on dirait bien qu'on a enfin fini de se prendre la tête avec ces histoires ! »
et faisant un salut grandiloquent et moqueur avant de finir sa quinte : « salutation, ô gouverneur Okhraal »
Le soupire agacé du gouverneur en question fut vite interrompu par le son d'un raclement de gorge gras, du côté d'une des tables adjacentes, immédiatement suivi d'un crachement sec.
Le son grinçant de la voix d'un vieux nain crasseux se fit alors entendre :
« GouveRneuR OkhRaal ! PaR tous les démons, quelle blague ! Ces idiots ont peut être oublié, mais pas moi ! J'ai pas oublié quand tu as atteRRi ici après la guerre, v'là tant d'années, mendiant des cRoûtons au vieux TRois-BaRbes, sans qu'on sache d'où tu soRtais ! Oh, c'est qu'y faut pas être gRand devin pour imaginer ton passé : ton clan a été attaqué, et toi, tu l'as abandonné ! Mais le sang ne ment pas, et je n'ai aucune confiance en toi… gouveRneuR OkhRaal le sans nom !! »
Avant même la fin de la tirade, Ghud' s'était levé vivement et avait commencé à pousser poliment mais d'une poigne ferme son client vers la sortie, et les derniers mots étaient arrivés comme un échos strident depuis la porte.
Varell cogna du poing sur la table, les sourcils terriblement froncés :
«Ah, le vil serpent ! Le vieux fielleux ! L'infâme menteur ! Comme il s'applique à distribuer son venin à tous ceux qu'il croise pour éviter de mettre le nez dans sa propre fange. »
Okhraal ne dit rien, fixant le fond de la chope d'un air indéchiffrable.
Il fini par se lever doucement, et à Varell :
« Tu m'as dit que l'entrée de la vieille tour a été dégagé, c'est bien ça ? »
« Oui, la porte principale, et celle des galeries ont été descellées. J'ai veillé à ce qu'on les garde intactes »
« Je te remercie, je vais aller y faire un tour, ne m'attendez pas ce soir. »
Et il sorti à son tour dans le crépuscule.
Dernière modification par Okhral (2015-08-31 08:27:32)
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L'air frais de la nuit tombante était agréable et l'odeur habituelle de la ville se teintait ce soir légèrement de poussière, du fait de l’entame des travaux, ce qui rendait cette modification paradoxalement satisfaisante.
Il se mit en marche tout en sortant sa pipe et en commençant à la bourrer. Il n'était pas encore très tard, mais chaque maison dégageait un certain arôme. Bien que chaque fois différent, c'était toujours le même : celui du repas.
Aussi les ruelles étaient très calmes, et on n'entendait guère que le claquement sec et rythmé des bottes du nain sur le pavé.
Ces moment de repos de la ville sont toujours singulièrement apaisants pour le marcheur solitaire. Dans les ruelles, les bâtisses se penchaient les unes vers les autres comme pour se murmurer quelque antique secret, et, sous elles, Okhraal se sentait gagné par un sentiment d'intimité, comme s'il se retrouvait à nouveau dans les vastes chambres souterraines d'Octobian.
Perdu dans ses pensées, le nain mit un instant à comprendre qu'il était arrivé quand le rempart extérieur de la tour se dressa devant lui. Les étages supérieurs de l'édifice et les montagnes auquel il s'adossait étaient encore illuminés par le soleil couchant. Dans l'ombre, le nain put constater qu'en effet la porte de chêne massif bardé d'acier avait été retirée et déposée à terre, à côté d'un petit empilement de pierres descellées.
Il passa l'encadrement vide et entra dans la cour intérieur. Bien qu'il n'y reste plus rien, celle ci avait sans doute servi en partie d'écurie pour les chevaux de passage et les poneys de guerre des nains, car un vaste porche de pierre était aménagé du côté de la montagne. Il n'y avait aucun accès à la tour ni au rempart -bien qu'une échelle pouvait être facilement posé sur le flan intérieur de ce dernier-. Comme de juste, il fallait passer par les galeries.
On pouvait deviner l'entrée de celles ci à gauche des écuries. Une autre porte épaisse était posée à côté. Le nain continua son chemin.
Il déambula au hasard pendant de longues minutes dans les couloirs de pierre -cela faisait si longtemps qu'il n'avait pas eu l'occasion de se retrouver sous terre !-, admirant la maçonnerie de son peuple et commençant à se faire une idée de la structure des souterrains. Il n'avait pas besoin de torche, ses yeux de nain étaient parfaitement à l'aise dans l'obscurité.
Il s'arrêta dans un grande salle en partie sculptée : ce genre d'extravagances n'était pourtant pas vraiment dans le style du lieu, d'après ce qu'il en avait vu jusque là. En face du mur sculpté, des bancs en pierre et des étagères creusées à même le roc étaient visibles. On aurait même dit qu'elles contenaient encore quelque chose… mais c'était difficile à dire : ici comme ailleurs, la poussière régnait en maîtresse absolue. Il s'approcha d'un haut relief et souffla pour évacuer la poussière. Il se trouva bien embêté de se retrouver alors face à un vaste œil de pierre qui le fixaient insolemment : pour une fois, le nain fut bien obligé de détourner le regard.
Grommelant dans sa barbe, Okhraal tourna le dos à la frise et s'avança vers le mur opposé. Là aussi il dégagea la poussière : les étagères étaient effectivement encore garnies de quelques objets. Visiblement on n'y avait pas touché lors du départ. Il fouilla un peu de la main : un burin de joaillier, un verre grossissant encore utilisable, une outre percée dont le contenu avait laissé une trace poisseuse sur le mur, et… tiens, un cor.
Okhraal s'en saisit et le sortit. Il déchira tranquillement un petit morceau de sa tunique, cracha dedans, et se mit à astiquer sa découverte.
La crasse recula peu à peu, et le nain put finalement apprécier la qualité de l'objet : Il était constitué d'une corne noire dont Okhraal ne put déterminer la provenance. Cerclé d'un acier gravé de runes rappelant les hauts fait des 7 Sages d'Octobian, l'objet n'était pas d'une finesse exceptionnelle, mais semblait fonctionnel et possédait un aspect des plus spécifique. Il était lourd, mais dans la large main d'Okhraal, ç'aurait été tout comme s'il s'était agit d'une plume.
Le guerrier ôta sa pipe de ses lèvres -elle était de toute façon éteinte depuis longtemps- et emboucha le cor. Il sonna.
*BRRROOOONNN...*
Le son était vibrant et nuancé, aussi grave que les entrailles de la Montagne, il semblait faire résonner la pierre elle-même autour de lui.
Le plafond laissa tomber un filet de poussière dans les cheveux du nain, qui s'arrêta avec un grognement et secoua sa longue tignasse.
Près de lui, une demi douzaine de chauves-souris affolées passèrent en trombe en piaillant.
Satisfait de sa chance, Okhraal glissa le cor à sa ceinture et se promit de lui faire poser une bride, puis il reprit son chemin.
Dernière modification par Okhral (2015-08-31 08:37:45)
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Okhraal était finalement arrivé à l'intérieur de la vieille tour elle-même. Après avoir emprunté le raide escalier qui courait à l'arrière de la construction et dépassé de nombreux étages vides, il s'était retrouvé au sommet de l'édifice.
Les meurtrières laissaient passer l'air de la nuit, ainsi que la faible lueur des étoiles. Sur les côtés, on pouvait voir vaguement le contour des monts de la Queue du Serpent, et au sudan, on pouvait deviner la ville aux quelques lanternes qui y demeuraient encore allumées.
À l’intérieur, la pièce était moins vide que les précédentes, et une table de pierre était entourée de -petits- sièges, également en pierre. La pièce était sans doute autrefois le lieu de réunion des officiers de la garnison.
Okhraal s'était installé sur l'un des sièges et s'était refait une pipe, qu'il dégustait à présent tout en laissant vagabonder ses pensées.
Le vieux nain de l'auberge avait au moins raison sur un point, et son affection pour Vieille Tour ne suffisait pas à lui faire oublier sa répulsion pour ce titre de gouverneur -gouverneur de quoi ? Quel droit pouvait il bien avoir sur tous ces gens ?-, mais il avait prit des mesures pour rester en retrait de ce qui ne le concernait pas directement. Avec la promesse d'une protection armée, c'était d'ailleurs un des points qui avait fortement aidé à convaincre la population de Vieille Tour (qui était loin d'être constituée exclusivement de nains) d'accepter la présence du Clan et la réouverture de la forteresse.
La vie et la justice dans la ville seraient réglées par un conseil de notables. C'est Varell qui le présiderait : fort respecté de la population, le vieillard était aussi un ami du Clan, ce qui était parfait.
Détail amusant, la maigre communauté elfique de la ville aurait également un représentant : elle l'avait exigé comme garantie. Okhraal serait également autorisé à assister à ces conseils, ou tout autre représentant que le Clan déciderait d'envoyer, mais sans avoir de voix à l'heure de la prise de décision. Ses attributions concernait uniquement la présence du Clan, et d'éventuels conflits avec le reste de la population, ainsi que la gestion des troupes et des investissements du Clan. Ces derniers étaient d'ampleur, et il avait donc été arrêté après de longues discussions plus ou moins honnêtes que la ville contribuerait par le biais de taxes. De cela aussi, il aurait à s'occuper.
*puf, puf…* le nain tira une longue bouffée de sa pipe, et exhala la fumée dans un soupire.
Après tout, il ne faisait rien d'autre que de s'acquitter d'une mission pour le Clan.
Le Clan. Du moins c'était là quelque chose en quoi il pouvait croire, et pour quoi il n'aurait pas de difficulté à s'engager sur un chemin que son tempérament de misanthrope aurait fuit autrement.
En cela comme en toute chose, Okhraal tacherait de rester méfiant : on aviserait bien selon les événements…
*puf, puf...*
Ses souvenirs remontèrent pour la millième fois depuis quelques jours vers Thoranduhim, le philosophe, quand il parlait à ses étudiants du jour :
« Mes amis, s'il y a bien un chose que beaucoup préfèrent oublier en vieillissant, c'est que le pouvoir corrompt. Tâchez donc de garder cette mise en garde à l'esprit. »
Et en effet, au cours de ses voyages, Okhraal avait pu constater qu'il n'y avait rien de plus vrai que ces mots.
*Humm...*
le nain changea de position sur son siège, agacé par ses craintes irrationnelles.
Se tournant alors de l'autre côté, il s’aperçut qu'un rayon de lumière filtrait par la meurtrière estan. Était il vraiment déjà si tard ?
Oui… l'aube pointe, il est temps de retourner en ville. Il se leva donc et se dirigea d'un pas lourd vers l'escalier.
*puf, puf...* fit la pipe en quittant la salle avec son porteur, puis le silence regagna la vieille tour… mais plus pour très longtemps.
Dernière modification par Okhral (2015-08-31 08:44:27)
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