Nacridan le forum

Furtif était présent dans l'échoppe depuis quelques temps. Des rumeurs naquirent d'ailleurs, beaucoup pensaient qu'il y avait trouvé du travail. Mais furtif, comme son nom l'indique, est elfe du genre discret.

Comme le veut la coutume, sur sa terre natale, les parents offraient à leur descendance un nom qui se rapprochait de leur caractère et tempérament. Pour les grandes lignées, et notamment dans celles où coule le sang royal, le nom scellé à l'enfant doit correspondre à une qualité supérieure de laquelle le noble ou le prince ne devra pas se détourner.

Furtif donc, inconnu de la plupart, s'attelait à fabriquer quelques secrets breuvages. D'aucun ne le penserait fou, mais dieu qu'il était savant.

Fidèle travailleur, il se consacrait autant à ses clients qu'à la science, et souvent, il ponctuait ses sessions de fabrications et d'inventions, par des balades, fraîches et reposantes, pour récolter lui même les produits dont il aurait besoin ultérieurement. Il se plaisait à rendre l'utile agréable, pour le meilleur de la qualité !

En revenant par la grand' route, sa besace pleine de racines, il prit le chemin de son atelier. Il avait, avec le propriétaire d'une boutique importante d'Artasse, négocié un beau partenariat.  Plein de son fardeau, qu'il semblait porter avec plaisir, il fut interpellé par un pauvre homme. Bougre qu'il était, à mendier, désœuvré, sur la route pavé. Devant tel spectacle, l'elfe discret ne pu résister. Il s'approcha du bonhomme au regard hagard, et fourra sa main dans sa bourse pour en sortir quinze pièces d'or, étincelantes.

"Voici pour vous."

Dans sa voix ne perçait nulle sympathie. Il le lui dit d'un ton formel, plus par devoir que par compassion. Ce à quoi, il ajouta tout en s'apercevant que le contenu de sa bourse de cuir avait considérablement diminué.

"Veillez à user de ses fonds avec intelligence. Trouvez vous une auberge, qui vous proposera pour bien moins que ça, un lit propre et un bain. Une fois cela fait, vous devriez avoir suffisamment pour vous offrir de nouvelles chausses, une chemise et un pourpoint, sans dire de qualité, mais en bon état."

Songeur à présent, Furtif semblait avoir de la suite dans les idées.

"Après quoi, diable, cherchez du travail ! L'oisiveté ainsi tenue ne profite à personne. Elle prend votre santé, et moi ma bourse."

Sur le point de s'échapper dans l'encadrement de la porte, il se retourna avant de disparaitre, et lui fit, comme en promesse.

"Toutefois, si nul employeur ne vous accorde de crédit, veillez à me retrouver. J'ai peut être quelques opportunités pour vous. Filez à présent"

A présent, la colère monta en lui. Comment se pouvait-il... Une fois dans l'intimité de son bureau, il étala le reste de sa fortune sur table. Diantre ! S'exclama t-il. Au bas mot, quatre vingt dix pièces d'or reposaient, inertes sur le meuble de bois.

"Me voilà victime d'un larcin." Dit-il, plus à lui même qu'à quiconque. Plus d'un mois de sueur s'était évaporé, sombre métaphore, qui le fit sourire malgré lui. Alors, pensa t-il, un crime de la sorte ne devait pas rester impuni. Il prit, aussitôt, le chemin vers le poste de garde le plus proche, pour y faire part de sa plainte. L'homme qui le reçu, bedonnant, la panse grasse et le sourire béat, lui adressa un demi-sourire. Furtif lui fit part de l'histoire.

"Mon bon monsieur, avez vous des preuves ?"

L'homme demandait des preuves ? Mais n'était-ce pas son travail, plutôt que le mien ? La pensée fusa dans la tête du volé. L'orgueil s'en voyait touché.

"Gens-d'arme, comprenez moi bien, si preuve je possédais, votre intervention ne serait sans doute pas nécessaire. J'ai été victime d'une dépossession, je ne sais ni quand, ni comment. Le crime s'est fait aux alentours de l'échoppe." Prononça t-il en montrant du doigt, le lieu, au coin de la rue.

La voix du garde, sifflante au point de penser qu'il couvait une toux, reprit.

"Veuillez messire, accepter nos excuses, mais nos effectifs ne nous permettent pas de mener l'enquête. Je vous souhaite bonne chance, pour refaire fortune. Circulez !"

Rouge de colère, et plein d'incompréhension, Furtif s'en alla d'un pas vif... Sa route croisa celle d'un autre garde, visiblement bien différent du premier. Il s'avère que ce garde n'était pas celui de la ville, mais du crépuscule. Voilà donc ma chance, dans mon malheur, se dit-il, cynique.

Un entretien avec l'homme d'expérience le rassura. La ville pouvait encore compter sur la justice des hommes, pour les hommes. Edermask fit un rapport à son ordre, et la vengeance était en marche.

Furtif ne retrouvera certes jamais son or, mais justice sera rendue. Et, espère t-il, la ville sera plus sûre à l'avenir.